Conférence Berryer avec Bruno Taloche

3ème Conférence Berryer organisée à Liège en présence de la Conférence des avocats du Barreau de Paris et de Bruno Taloche

 

FU5A2609Une salle de prestige, 12 sièges (ce soir-là 8) dans lesquels prennent place les secrétaires et un public, le peuple de Berryer, déjà conquis à l’une ou l’autre des factions. Telles sont les conditions immuables d’une conférence Berryer, vieille de près de 2 siècles. La belle salle académique néoclassique de l’université de Liège, bruisse de monde en ce soir du 12 septembre 2019. Elle n’a rien à envier à ses consœurs la salle des criées du palais de justice de Paris ou celle des audiences solennelles de la cour d’appel de Bruxelles. « Ce n’était donc que ça, Chirac ? Un brave gars, un peu déplacé sous les ors de la République ? » (Chirac, la bonne blague sur www.liberation.fr, 27 octobre 2006) avançait le journal Libé, avant de poursuivre sur sa capacité à faire rire, frissonner, sur son ambition et ses exploits. Voilà peut-être ce que le public attend des secrétaires et des candidats ce soir-là : être à la hauteur de leur tradition séculaire dans ce lieu solennel et lui offrir un exploit unique et jubilatoire. Il s’imaginera, pendant quelques heures, faire partie de cette tradition.

Peu avant leur entrée en scène, la coutume veut que candidats, secrétaires invitants et invités se retrouvent dans un lieu intime pour savourer l’accalmie autour d’un verre. Que prirent les Parisiens ? Guignolet ? Dubonnet ? Cinzano ? Du Brandy peut-être ? Ils sont très… Français en fin de compte, c’est bien à cela qu’on les reconnait. L’exotisme, soit-il outre-quiévrain, fascine déjà. Quelques instants plus tard et de l’autre côté de la rue, ils s’installèrent dans leurs sièges attitrés. L’ambiance est badine. Les confrères, amis, connaissances ou adversaires qui composent le public s’interpellent, se saluent dans cette atmosphère caractéristique du gratin liégeois. Du coin de l’œil cependant, tous observent les secrétaires avec curiosité, ces derniers presque nus et vulnérables tant qu’ils n’ont pas dit mot. Certains spectateurs, habitués de l’occasion, jugeront les secrétaires sans pitié car ils connaissent leur réputation. Pour les autres néophytes, c’est avec unecirconspectFU5A2631ion mêlée d’un respect anticipatif qu’ils observent de leurs yeux ces énergumènes au look mi vieille France, mi école de commerce, mi commissaire Maigret.

Peu après, le rituel immuable se mit en place. Le frère Taloche présent, un homme averti, était l’invité d’honneur. Ce fût à l’ancien président du jeune barreau de Liège, Me Sébastien Ninane, qu’il incomba de louer ce familier de tous les foyers belges en guise d’introduction. On notera que, par chance, c’est le plus sympathique des frères qui vint, et que cela l’aida probablement à obtenir celle – pourtant en partie acquise – du public. A suivi la brillante introduction d’un des secrétairesParisien, qui sut faire rire le public liégeois en se gaussant gentiment de son statut de ville de province, et de quelle province ! s’exclamera cette dernière.

Peut-on rire de tout sans taloche ?FU5A2159 Me Audrey Bellens se chargea ensuite de jouer le premier agneau sacrificiel, le peuple de Berryer se rappellera de son courage pour des siècles désormais. Déjà, elle parle. Les candidats, fébriles, griffonnent fiévreusement leur réponse à ce rempart de feu. Tout comme son successeur, elle prit la peine de célébrer plus ou moins subtilement la solide amitié franco-belge en soulignant la trivialité des différences existantes entre nos deux peuples frères. Soixante-douze, nonante-six, voilà donc les quelques éléments de vocabulaire qui nous distinguent.

 

La première réponse des secrétaires, lapidaire, ne tarda pas à se faire entendre. Chauffés à blanc, une flamme meurtrière brillait dans leurs yeux derrière une apparente désinvolture. C’en fut une démolition toute aristocratique : vaincre dans le péril, et triompher sans effort, semble-t-il. Ils n’épargnèrent rien : ni la forme, ni le fond, pas même la vaillante twingo aux jantes chromées qui les conduisit depuis la gare des Guillemins. « Ça fait moins mal quand on en a ri » (On peut rire de tout, mais arrêter de citer Desproges n’importe comment sur www.liberation.fr, le 24 février 2016), et le public comme la candidate ne s’en privèrent pas.

FU5A2300Le no bra libère ta loche. Me Julien Feltz emmena le public et les secrétaires dans sa truculente recherche sur le sujet, les menant jusqu’à ses égarements avec la mer du Nord, mêlant anglicismes, jeux de mots et délicieuses allitérations. Manque d’inspiration des secrétaires ou matière à critique trop évidente, ils surent faire preuve de magnanimité et épargner les candidats en dirigeant le feu de leurs critiques vers leurs propres troupes. On apprit ainsi que Tinder eût également infiltré cette institution séculaire, comprenant que les secrétaires n’étaient donc que des hommes, et des femmes ! l’eût-on souligné. Par un mystérieux déplacement dans l’équilibre des forces, les piques fusèrent dans toutes les directions. À un point tel que le bon peuple de Berryer commença à envisager de se cacher derrière les sièges, dans l’éventualité qu’un secrétaire se risque à le prendre pour cible.

FU5A2485Il revint finalement à Me Patrick Henry, ancien bâtonnier du barreau de Liège, une fine appellation, la tâche de compter les points. Ici, l’on n’entendit pas l’emphasedes Parisiens exaltés dans l’arène, ou le souffle court des candidats qui ne tendent que le bâton pour se faire battre. Non, la partition est nouvelle et le contre critique acheva méthodiquement chacun des candidats qui ne s’en trouvèrent pas vexés, ce n’est pas leur genre de bouder. Le public n’était pas en reste et Me Henry eut l’obligeance de publier son discours sur son blog (Le blog de Patrick Henry, le 27 septembre 2019), une deuxième lecture pouvant être bénéfique.

 

Si ce texte vous a diverti, fort bien. Il est vrai que cet art, l’éloquence pour divertir, est facile. En effet, au petit matin, lorsque les conférenciers devront « se charger des crimes les plus graves commis par les gens les plus pauvres » (« La Conférence », cette confrérie du barreau qui transforme douze jeunes avocats en stars sur www.lesinrocks.com, le 23 novembre 2018) personne ne les acclamera comme la veille. Et, derrière l’or et le champagne, c’est dans l’usage de
l’éloquence pour présider aux destinées d’un individu, que se révèle l’âme de la Berryer.

Simon Van Kerckhove

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