Rendez-vous avec trois sympathiques confrères, une charmante et deux barbus : Maîtres Sarah LEMMENS, Alexandre PIRSON et Bertrand FRANCK, avocats pratiquant l’art de l’improvisation avec assiduité à la vie comme à la ville…
Qu’en est-il au bureau et en audience ?
De terrain connu à terre inconnue, il n’y a qu’un pas. Franchimont-le ! Non, Franchissons-le !!
Sous la Robe : Vous êtes chacun dans une troupe d’improvisation, Sarah et Alexandre font partie de la troupe OTARIRES et Bertrand c’est les Fauves qui peut.
Pouvez-vous décrire, en deux trois mots, le déroulement d’ un match d’impro et les règles de base.
Sarah. : l’idée principale est de construire des histoires. Un match d’impro amène deux équipes à se confronter dans un décor de patinoire. Le decorum, comme on l’appelle, est constitué par l’ensemble des choses qui entourent la scène. Ces éléments sont empruntés au hockey sur glace.
Deux équipes se rencontrent et vont improviser des histoires. Elles ne peuvent pas se concerter avant, il y a donc des confrontations …
Le but est de faire sortir quelque chose de cette confrontation entre les deux équipes.
S.L.R. : Comment se déroule la partie ?
Bertrand : L’arbitre du match impose un thème peu avant le commencement ( il y a un arbitre, comme dans toute rencontre sportive)
S.L.R. :L’improvisation est donc un sport ?!
Bertrand : La discipline se situe à mi-chemin entre le sport et l’art. Elle n’est, en tout cas, pas considérée comme un sport par la communauté française qui refuse de la subsidier…
Bertrand : L’arbitre choisit et prépare les thèmes avant la rencontre sans les communiquer aux équipes ni au public. Il annonce le thème aux jouteurs, qui ont un délai de 30 secondes pour se concerter en équipe et désigner le jouteur qui va commencer l’improvisation avec un membre de l’équipe adverse.
S.L.R. : Donc, sur un même thème, les deux équipes peuvent partir sur quelque chose de totalement différent ?
Alexandre : Les thèmes souvent sont volontairement larges, pour que différentes idées se confrontent. Cela oblige à créer une histoire avec deux idées totalement différentes. En plus du thème, certaines contraintes de jeu peuvent être imposées par l’arbitre, qui peut décider que les jouteurs doivent chanter, rire, évoluer en mode « western », …
L’arbitre doit donc préparer à l’avance non seulement les thèmes mais également des contraintes ainsi que la durée ou le nombre de jouteurs qui pourront monter sur la patinoire. Il y a deux configurations principales : l’improvisation mixte, où l’histoire va être construite avec les deux équipes en même temps, sans concertations entre elles, et l’improvisation comparée, où chaque équipe présente sa propre histoire, sans interférer avec l’autre, sur un même thème et avec les mêmes contraintes. Dans ce dernier cas, on tire au sort celle qui passe en premier.
S.L.R. : En improvisation mixte, vous êtes donc adversaire mais devez créer une histoire commune. Vous êtes alors plutôt adversaires ou plus partenaires ?
Bertrand : C’est la chose intéressante en improvisation, on n’est pas vraiment avec l’un ou avec l’autre. Dans les matchs amateurs, on essaie toujours de privilégier avant tout la partie construction et donc le coté partenaires. La partie opposition, et donc le côté adversaires, vient alors dans un second temps, sachant évidemment qu’à la fin de l’improvisation un point est attribué par le public qui vote pour l’équipe qu’il a préférée.
Sarah : Effectivement, cela reste un match. Donc on essaie de mettre l’autre en difficulté mais en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’un spectacle et que généralement, quand tu entres dans une dynamique de confrontation, très combattante, en voulant trop mettre l’autre en difficulté, le spectacle s’en ressent dans le sens négatif. Au final, je dirais donc que la collaboration est plus importante que la confrontation…
S.L.R. : On construit donc ensemble pour mieux se détruire…
Sarah : Il faut vraiment construire et écouter l’autre, parce que tu es vraiment obligé de te servir de ce qu’il dit pour intervenir.
Alexandre : et même parfois l’aider. Si l’autre est mal à l’aise ou ne se sent pas écouté, cela va s’en ressentir. Par ailleurs, certaines attitudes sont constitutives de fautes de jeu, propres à l’impro. Ainsi, sont considérés comme des fautes le manque d’écoute, la rudesse, le « déjà vu » (le fait de tout le temps refaire quelque chose juste pour faire rire), le cabotinage, tous les comportements strictement drôles mais qui n’apportent rien à la construction de l’impro.
La construction nous est donc doublement imposée. Si on ne construit pas, le spectacle n’est pas bon et, en plus de cela, on est sanctionnés puisque certaines fautes peuvent être converties en points pour l’autre équipe.
l’arbitre a un rôle très important dans le déroulement d’un match. S’il veut que les équipes soient constructives, il va sanctionner rapidement des fautes de rudesse, par exemple, il peut également imposer des contraintes qui permettent une collaboration. Il a vraiment un rôle très important.
S.L.R. : et chaque arbitre a un peu son style ?
Bertrand : il a sa vision du match qu’il amène avec lui dans ses thèmes, dans ses catégories, dans ses contraintes …
Sarah : Même en cours de match, quand il voit comment un match évolue, il se dit « aie, aie, aie », par exemple il y a trop de ceci, pas assez de cela. Je vais mettre ou enlever une contrainte ou un thème pour rééquilibrer les choses.
Bertrand : Oui, s’il constate un manque d’énergie, il va essayer de remettre une catégorie qui va un peu relancer le match et permettre aux jouteurs de dynamiser le spectacle. C’est un peu le chef d’orchestre.
S.L.R. : Outre le côté verbal, il y a également un contexte visuel…
Alexandre : Bien entendu mais tout ce qui est lié au visuel en fait est imaginé par le public. Donc l’aspect visuel est encore plus important peut-être même que dans du théâtre puisque le public est obligé d’imaginer beaucoup.
Bertrand: Effectivement, on ne dispose d’aucun accessoire et, en règle générale, il n’y a pas d’intervention au niveau des lumières ni de décor. On organise parfois des spectacles avec ces éléments mais le but est généralement que le public imagine le plus de choses possibles. Il est d’ailleurs très attentif. Par exemple, si quelqu’un a placé une porte à un endroit et puis qu’une autre personne passe à travers le mur, ce n’est pas rare de voir le public réagir.
Alexandre : ça peut également être de manière positive, le public peut apprécier le fait que, 3 minutes après, on se souvienne qu’on avait placé une horloge à tel endroit …
S.L.R. : Au niveau public, puisqu’on parle interaction, il y a les fameuses pantoufles. Comment sont-elles utilisées, par qui et pourquoi ?
Sarah : Alors nous, on n’utilise pas des pantoufles…
Alexandre : Il peut y avoir des objets liés au public, qui peut avoir, à sa disposition, des pantoufles qu’il va jeter lorsqu’il désapprouve ce qui se passe sur la patinoire. Très souvent, ce sera vers l’arbitre. Ca fait partie du spectacle.
S.L.R. : Des fumigènes à Liège ?
Alexandre : Oui mais alors, l’auteur risque une interdiction… Plus sérieusement, on utilise parfois d’autres objets. Au Festival Improliégeois, ce sont des éponges de bains, qui sont vertes si l’on approuve ce qui se passe, mais qui sont rouges la plupart du temps.
S.L.R. : On ne les lance pas, alors ?
Alexandre : Le public peut les lancer sur la patinoire et les arbitres assistants les ramassent au fur et à mesure.
S.L.R. : Alors, tu as parlé du Festival Improliégeois qui est relativement connu ou qui commence à l’être à tout le moins. Y a-t-il d’autres manifestations, un championnat organisé ?
Alexandre : On ne fait partie d’aucun championnat. Il y a différentes ligues ou fédération amatrices en francophonie. Il existe une ligue professionnelle qui accueille des comédiens professionnels mais elle ne dispose que de 4 équipes. C’est donc vraiment un cercle très fermé. Nous n’appartenons à aucune ligue, ce sont des matchs ou des spectacles ponctuels que l’on organise essentiellement sur Waremme puisque l’A.S.B.L. qui comprend les équipes des Fauves qui peut et des Otarires vient de Waremme mais on organise parfois aussi des événements sur Liège et il y a maintenant désormais le Festival Improliégeois.
S.L.R. : Avec le Jeune barreau dans la salle…
S.L.R. : Parlons un peu de vous. Vous êtes tous les trois dans le même cabinet, les associés ont-ils besoin de jeunes rodés à l’improvisation en raison de la mauvaise préparation des dossiers ? Plus sérieusement, la pratique de l’impro aide-t-elle dans le métier d’avocat ?
Bertrand : C’est vrai que la pratique de l’improvisation demande un certain nombre de qualités que l’on développe petit à petit : le sens de l’écoute, le sens de la répartie, la spontanéité, la réactivité, l’aisance en public, … Ces qualités aident lors des audiences, des rendez-vous, etc..
Alexandre : La pratique de l’impro est utile, de manière plus générale, dans toutes les situations de la vie. Certainement en tant qu’avocat mais également pendant les études. Sans être nécessairement mois stressé, on a acquis l’aptitude de jouer la personne qui est à l’aise et cela influence le ressenti de l’interlocuteur. C’est exactement la même chose à l’audience, on n’est pas toujours parfaitement sûr de soi mais en tout cas on sait peut-être un peu plus facilement donner l’impression de retomber sur ses pattes. Je ne sais pas si cela peut faire la différence mais cela peut être un gros plus…
Sarah : Ce n’est effectivement pas parce que tu fais de l’impro que t’es automatiquement un ténor mais ça aide à relativiser et à démystifier la prise de parole. Quand tu as pris un vent devant 200 personnes, je crois qu’il a pas mal de choses que tu relativises.
S.L.R. : Y a-t-il d’autres facettes de l’impro que vous retrouvez dans le métier d’avocat ? Le respect des règles de non-rudesse, dont vous avez parlé, par exemple ?
Bertrand : On retrouve le principe de la prise de recul, le temps d’une prestation, par rapport à la personne qu’on a en face de soi. Elle joue un rôle. Finalement, le tribunal, c’est un peu pareil. On a un mandat de défendre tel intérêt et donc on va faire tout ce qu’il faut – certes dans les limites de la déontologie – pour remplir ce mandat. C’est en quelque sorte un rôle.
S.L.R.: Et bien merci à tous les trois d’avoir accepté de répondre à l’invitation et merci pour la sympathique discussion.
Je clôture donc ici ce sympathique entretien, sans oublier de préciser les coordonnées du site internet et de la page Facebook de l’asbl qui chapeaute les deux équipes et qui organise, à partir de ce 25 janvier, le Festival Improliégeois.
Julien FELTZ
Dates importantes du Festival Improliégeois (les matchs se déroulent à partir de 20h à l’Institut Saint-Laurent – Rue Saint-Laurent, 33 à 4000 Liège) :
– 25/01/2014 : BORING TEAM – OTARIRES
– 08/02/2014 : POTEES LIEGEOISES – 6 CLONES
– 22/02/2014 : OTARIRES – POTEES LIEGEOISES
– 14/03/2014 : POTEES LIEGEOISES – BORING TEAM
– 05/04/2014 : 6 CLONES – BORING TEAM
– 03/05/2014 : OTARIRES – 6 CLONES
17/05/2014 : match de gala EQUIPE FESTIVAL – LIGUE PRO
Toutes les infos utiles se trouvent sur les sites suivants :
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