Allocution de Monsieur le Bâtonnier André RENETTE à l’occasion des prestations de serment 2013-2014

Monsieur le Président,

Madame, Monsieur les Conseillers,

Monsieur  le Procureur général,

Mesdames,
Messieurs,

Mes chers confrères,

 

Le premier mot que je pose pour vous saluer et vous souhaiter la bienvenue, est le rappel de la confraternité. Je m’adresse à vous en vous donnant du « mes chers Confrères ». Cette manière de se saluer entre avocats a un sens, cette expression fraternelle d’appartenance à un groupe nous renvoie à l’intime des droits et des devoirs de la relation professionnelle.

 

J’emprunte la définition concrète de la confraternité que nous donnent André Damien et Jacques Hamelin, avocats français, dans leur ouvrage de référence « Les règles de la profession d’avocat » dans l’Edition de 1992 :

« Tout avocat appartient à un barreau qui a son autonomie, sa discipline, sa hiérarchie, son histoire. Les avocats qui le constituent sont donc entre eux confrères et doivent tempérer, par un sentiment d’union, de solidarité, d’attachement aux mêmes règles et au même idéal, des positions opposées qu’ils doivent avoir dans les conflits d’intérêts et les luttent judiciaires de leurs clients. Ce sentiment est la confraternité qui s’apparente à un sentiment familial, il doit animer le comportement professionnel de chaque membre du barreau, mais cette confraternité doit inspirer aussi les rapports des membres de tous les barreaux, les uns vis-à-vis des autres, elle est la source de leur devoir confraternel. »

Dans cette salle des audiences solennelles de la Cour d’Appel de Liège, vous avez tous revêtu votre robe noire, costume qui  témoigne de notre appartenance  historique au barreau et que nos plus lointains prédécesseurs portaient déjà. Cette robe est la marque de l’autorité qui s’attache au service de la justice. La Robe est aussi le signe de  l’égalité d’apparence entre les avocats.

Votre choix votre engagement de vie, aujourd’hui,ce 23 septembre 2013, est de prêter le serment de l’avocat.

Le Code Judiciaire vous impose, sur présentation de votre patron de stage, en présence du Bâtonnier de l’Ordre des avocats au siège de la Cour d’Appel, et sur les réquisitions du ministère public de déclarer notamment ces termes : « Je jure.. de ne conseiller ou défendre aucune cause que je ne croirai pas juste en mon âme et conscience ». A la suite de la réception de cette prestation de serment, vous pourrez demander au conseil de l’Ordre de vous inscrire sur la Liste des stagiaires.

On peut faire du droit, on peut être un excellent juriste, sans être un avocat. On ne peut être avocat sans être un excellent juriste, mais il nous faut avoir ce supplément d’affection et d’indulgence particulière pour l’humanité en souffrance, notre humanité.

Dans cette aventure professionnelle qui débute aujourd’hui vous aurez pour mission exaltante de forger votre expérience en découvrant cette terre inconnue qu’est l’Homme multiple aux passions infinies et dévastatrices. Dans tout homme, du monstre au génie en passant par l’idiot, le médiocre, le lâche, la brute ou le héros (et bien d’autres encore), il vous appartiendra d’y déceler l’étincelle de l’humanité qui nous sépare de la matière ou de l’animal, et qui vous permettra de porter la lumière de la défense, d’éclairer cette parcelle de vie qui vous a donné sa confiance, pour que justice soit rendue.

Etymologiquement, être avocat, Ad vocatus, cet être est celui qu’on appelle au secours. Je reprends les mots de Maître Patrick Henry, Président d’Avocats.be : « L’avocat est là, présent à côté d’un homme, pour l’aider à se tenir debout ».

N’oubliez jamais que derrière la sécheresse de la norme juridique qui trouve à s’appliquer, derrière la montagne de papier du dossier que vous traitez, il y a cette humanité dont votre mission première est de conserver la dignité.

Votre premier devoir en tant qu’avocat sera d’acquérir une liberté totale à l’égard de tous les pouvoirs, mais aussi à l’égard de vos clients en proie à la passion, égarés par la recherche de leurs intérêts.

Pour acquérir cette liberté, le législateur vous a donné un privilège d’être cru sur votre parole dans la représentation en justice.

Cléo Leclercq, dans son ouvrage sur les devoirs et prérogatives de l’avocat, nous en parle en ces termes : « Il n’existe ainsi aucune autre profession publique qui jouisse d’une telle liberté de parole, parce qu’elle est la garante indispensable de la liberté individuelle, de la présomption d’innocence, de la justice elle-même.

S’il faut taire, au nom de quoi que ce soit, tant soit peu la vérité et les droits qui en procèdent, l’exercice de la justice est une simulation, une incitation à la forfaiture ».

Il n’y a pas de liberté sans devoir. Notre liberté de parole, le monopole de la plaidoirie et de la représentation a sa contrepartie, à savoir la déontologie.

La déontologie est la science des devoirs, c’est la plus-value de l’avocat qui le distingue du simple marchant de droit.

La déontologie, c’est le logiciel de la civilisation de la violence par la justice. Sans elle la justice retournera à la simple loi du plus fort.

La déontologie n’existe donc qu’au bénéfice du justiciable dans l’intérêt général de l’œuvre de justice.

Sans la déontologie, les juges ne pourront vous accorder leur confiance.

Sans la déontologie, vous ne pourrez mettre à distance la passion des intérêts qui vous sont confiés.

Sans la déontologie, vos rapports avec vos confrères s’épuiseront rapidement dans de vaines querelles qui mineront les soubassements de l’exercice de la profession.

La violence dont je parle n’est pas seulement physique, la loi du plus fort s’exprime de manière sociale, économique, financière.

Je reprends les mots de Monsieur le bâtonnier Jean-Pierre Buyle, qui constate que face à des évolutions législatives et jurisprudentielles, européennes et nationales qui bouleversent nos usages traditionnels « notre déontologie continue malgré tout à vibrer comme une lyre dans le frémissement des lois humaines et du marché. Nous nous adaptons, avec la volonté de ne jamais altérer nos fondamentaux ».

Indépendance, dignité, probité, délicatesse, et secret professionnel, demeurent les axes majeurs, les fondamentaux, de notre déontologie que cite le Bâtonnier BUYLE.

La réalité de ces concepts qui impose des comportements concrets et quotidiens dans l’exercice de la  profession n’est pas enseignée dans les écoles de droit et c’est la charge et l’honneur du barreau de vous former à la déontologie.

A peine sortis de l’université que vous recommencez une autre école, celle du stage avec à la clé la délivrance du certificat d’aptitude à la profession d’avocat.

 

Mes chers confrères,

J’envie votre jeunesse, vous êtes l’avenir et le renouveau de la profession et des fondements de la justice dans une société démocratique.

Votre fierté légitime et celle de vos proches me réjouit ce jour du début d’une nouvelle destinée.

Lucien Arréat, écrivain et philosophe français nous parlait en ces termes en 1877 dans son œuvre ‘une éducation intellectuelle : « Il importe peu de détester le passé, mais beaucoup de préparer l’avenir. Puisse la nouvelle jeunesse, qui déjà pousse la nôtre, valoir mieux que nous-mêmes et se former une âme virile prête aux plus dures épreuves ».

 

Mes chers confrères,

Voici les prémices d’une profession passionnante et exigeante où toutes les ressources de votre dévouement, sinon de votre idéalisme, seront recherchées. Henri-François D’Aguesseau, magistrat et juriste éminent, orateur éloquent, maître à penser de la philosophie politique  du 18è siècle, parlait en ces termes de l’avocat dans son ouvrage « Eloges et devoirs de la profession d’avocat » : « Exempte de toute sorte de servitudes, la profession d’avocat arrive à la plus grande élévation sans perdre aucun des droits de sa première liberté et, dédaignant tous les ornements inutiles à la vertu, elle peut rendre l’homme noble sans naissance, riche sans biens, élevé sans dignités, heureux sans le
secours de la fortune
».

Au moment où vous intégrez le barreau, mon souhait le plus vif est que vous puissiez vous réaliser ainsi dans votre vie d’homme et de femme, en embrassant la profession d’avocat.

 

Mes chers Confrères, je vous remercie pour votre attention.

 

 

 

[.wpg]

 

 

 

 

 

 

 

Retour en haut

Pas encore de commentaire

Laisser un commentaire